Maudou

Le jeu de l’Amour

« 

– Veux-tu jouer avec moi?
– à quoi?
– au jeu de l’Amour.


– qu’est-ce que c’est? 
Comment on y joue?
– c’est simple : le jeu de l’Amour c’est quand deux personnes décident de vivre ensemble une relation amoureuse. Autrement dit, de vivre une relation basée sur l’Amour.

– waouaw! Ça me dit bien. J’accepte.
– Très bien. Est-ce que tu veux sortir avec moi?
– Oui je veux bien.
– … Non mais c’est pas comme ça. Il faut dire « non ».

– ? Je ne comprends pas. Si je te dis « non », on ne va pas sortir ensemble. Et si on ne sort pas ensemble, on ne joue pas?
– Siiii. mais tu es une fille. Les filles au début, elles doivent dire non. Sinon, elles ne sont pas considérées comme étant intéressantes.
Et puis moi, qui suis un garçon, je sais que ce n’est pas vrai. Alors je fais comme si tu n’avais pas dit « non », je fais le beau, un peu comme un paon, je fais des tours, je t’invite au resto, au ciné, au théâtre…
– mais tu n’aimes pas le théâtre!
– oui mais ça fait classe. Donc je disais, au théâtre, on va à des expositions, je te montre mon super apart., ma super caisse, je te parle de mon super travail, etc …et toi finalement tu dis « oui ».
– …
– bon je sais que ça paraît un peu bizarre, mais c’est comme ça qu’on joue. Maintenant que j’ai fait tout ça, tu peux dire oui. Est-ce que tu veux sortir avec moi? 

– ben oui. Depuis le temps que je le dis. Enfin bref. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant?
– Maintenant on peut passer à l’étape où on fait des projets. Je te dis ce que je veux, tu me dis ce que tu veux, et on trouve un juste milieu. Le but du jeu est de trouver un équilibre.
– Ah c’est super! Cette phase du jeu m’a l’air tellement plus intéressante! Moi j’aimerais bien que nous fassions plein d’activités ensemble, que tu découvres mes amis, ma famille, qu’on vive ensemble, qu’on se marie, et tout ça…
– ouais c’est bien ça. ca m’a l’air bien. Moi je veux des enfants. Je suis un Homme, je veux être Père et reproduire les schémas de ma famille, et même faire mieux. Tu comprends je suis quelqu’un de responsable et un type bien.
– oh la la! Que c’est excitant! Tu es vraiment mature et responsable. Tu ne penses pas que je devrais connaître un peu mieux… ton univers? Genre ta famille, tes amis, etc…
– oui oui bien sûr. Mais pas tout de suite.

– pourquoi?
– ben parce que là, ça ne fait pas encore assez longtemps. Il y a des normes à respecter tu sais. Des règles. On ne peut pas commencer à sortir ensemble et puis concrétiser tout de suite nos projets!
– mais si nous sommes d’accord… ?
– même si nous sommes d’accord. C’est comme ça. C’est la règle.
– il est vraiment bizarre ce jeu…
– tu verras tu t’y feras. En attendant, moi je sors avec les copains ce soir!
– cool! Je peux venir? Comme ça je pourrai les connaître.
– non ce n’est pas possible, c’est une sortie entre copains. Toi tu devrais sortir avec tes copines pendant ce temps.

– ah?
– ben oui! Nous entre copains, on se plaint tout le temps de nos copines : on dit toujours qu’elles sont trop collantes, qu’elles ne veulent jamais de sexe, qu’elles ne regardent que des films romantiques…
– mais c’est pas vrai!
– oui mais il y en a pour qui c’est vrai, alors on dit tous la même chose, c’est plus facile. Et puis de toute façon, toi aussi, il faudra faire la même chose. Les filles se plaignent que les garçons ne pensent qu’au sexe, qu’ils sont nuls au lit, qu’ils ne sont jamais présents…
– mais c’est pas vrai non plus!
– mais puisque je te dis que les règles du jeu sont comme ça! Fais un effort.

– mouais… ça m’emballe de moins en moins.
– mais si tu verras, on rigole bien.
– tu trouves ça marrant toi?
– pas toujours, mais tout le monde fait comme ça. C’est que ça doit être marrant.

-…
– bon allez! comme je t’ai dit, je sors ce soir avec les copains. Demain aussi. Après-demain, je vais sortir tard du travail, en fait presque tous les soirs. Sinon je dois avoir aussi du temps libre avec moi-même. Du temps où tu n’es pas là.

– ben à quel moment on apprend à se connaître alors?
– ben on le fait déjà là!
– abon?
– en tout cas, on fait des choses chacun de notre côté, et on s’arrange pour que ça ne gêne pas l’autre. Nous sommes vraiment un couple bien.

– sérieusement? moi je pensais qu’être en couple c’était permettre à deux entités distinctes de trouver un équilibre et de construire un univers commun qui leur convienne.
– pfffffffiouuuu. c’est compliqué. Non je t’assure, vaut mieux faire comme on a dit.
– ben… moi je crois que je ne vais pas continuer. Ça ne m’intéresse pas trop. Il est trop… faux, ce jeu.
– huhuhu hihihi!
– pourquoi tu rigoles?
– ben parce que je vois que tu commences à comprendre les règles.

– ?
– ben oui! Tu fais comme si c’était terminé entre nous, mais en fait, tu ne veux pas finir, tu fais semblant pour m’alarmer et m’alerter. Moi ça me fait peur, je prends de nouvelles résolutions (que je ne tiendrai pas au final), et c’est reparti!
– non… tu ne m’as pas comprise. J’arrête. il est nul ce jeu.
– mais pourquoi?! on s’amuse bien. Et puis avec qui je vais jouer moi maintenant?! C’est vrai qu’en fait j’aurais préféré jouer avec Marie, mais j’ai trop peur. J’ai essayé et ça m’avait fait mal.
et puis je ne veux pas que tu joues avec quelqu’un d’autre que moi! Je ne le permettrai pas!

– mais pourquoi? et puis pourquoi tu n’essaies pas avec Marie, si tu as vraiment envie de jouer avec elle.
– parce que si ça ne marche pas je serai vraiment trop malheureux.
– et tu es heureux là?
– tu ne comprends vraiment rien à rien, toi!
– c’est vrai, je ne comprends rien au jeu de l’Amour…

« 

 


France hexagonale ou France métropolitaine?

« – Moi je profite de mes voyages en Métropole pour faire les soldes…
– de tes voyages en France tu veux dire?
– ben! ici aussi c’est la France!
– ouais je voulais dire de 
tes voyages en « France Hexagonale ». »

Arrêt sur image.

C’est quoi une « métropole »?

Selon la définition du Larousse, elle implique une notion de « colonies ». Oui mais voilà, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte, ne sont plus des colonies de la France. Mais des départements-régions.

« – Ouais mais bon! tu sais très bien que c’est le langage courant.Comment tu veux dire que tu vas là-bas?
– ben je dis en « France hexagonale », oui Monsieur!
– pfffff. c’est un peu long.
– oui mais nous ne sommes plus une colonie!
– ben comme si je n’en suis pas conscient. Et puis d’ailleurs! On dit bien que t’es « chabine »! et ça ne te gêne pas qu’on m’appelle « mulâtre ».
– le rapport? »

Stop.

C’est quoi une … « chabine »? un « mulâtre »?

Des vestiges de l’esclavage. « Chabine » féminin de « Chabin », désignait une personne de couleur claire, avec des cheveux qui avaient la particularité d’être à la fois crépus et jaunes (enfin blonds), et dotée d’un très fort caractère, avec un côté frondeur. La définition du Larousse est assez parlante.
Le « Mulâtre » lui, était un métisse, né d’un parent noir et d’un parent blanc. Sa couleur de peau lui donnait des avantages sur ses congénères qui n’avaient « que » du sang de noir dans les veines.

Mon ami a raison. Si ça me gêne qu’on m’appelle « chabine », ce n’est pas parce que c’est une insulte résiduelle de mon passé. Mais plutôt parce que je considère qu’avec mes cheveux noirs et ma peau « wayayay », donc plus noire que celle des présumées chabines, je ne fais pas partie de cette catégorie.
Ça ne me gêne pas parce que je suis consciente que pour la majorité, quand elle s’exprime, la quasi-totalité des femmes sont des « chabines ». Même les « négresses », même les blanches des fois.
C’est exacerbé quand ces femmes ont cette démarche chaloupée, ou ce regard insolent, ou quand le « tchip » d’usage, tombe tel un couperet de leurs bouches.
Pour la majorité donc, c’est peut-être un vestige du passé, mais qui a perdu son côté péjoratif, pour ne garder que l’usuel.
Bien que…

Mais alors, pour quoi cela me gêne-t-il qu’on parle de métropole?
Après tout, tout le monde sait que la Martinique n’est plus une colonie.

La Martinique n’est plus une colonie?

Je reprends mon souffle.

Une colonie :

– « territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières… » : je passe celle-là.
– « groupe de personnes quittant leurs pays pour en peupler un autre. » : celle-là aussi.
– « groupement de nombreux animaux de la même espèce… » : ah ben voilà! Nous ne sommes pas une colonie! 

Je me tue à le dire.

Je déglutis.

Je suis mal à l’aise. 


« territoire occupé et administré… ».
Bon nous ne sommes pas « occupés ». Mais je repense à ce régime à deux vitesses, aux lois votées là-bas, mais pas appliquées parce que les décrets ne sont pas encore parus, aux dérogations obtenues ici au détriment de la santé mais au profit de sociétés (vous avez dit Chlordécone ?), etc..

« groupe de personnes quittant leurs pays pour en peupler un autre… ».
Et je ne peux m’empêcher de constater qu’étrangement, l’encadrement et les directions manquent de couleur ici.

Des souvenirs s’entremêlent. Dernièrement on parlait d' »expat » je crois. Une histoire de grève, de salariés qui se plaignent de leurs salaires, qui sont gelés depuis un moment, alors que ceux des « expats » sont, un, plus élevés, mais de surcroît, ne sont pas gelés.

Je suis mal à l’aise…

Finalement,peut-être que pour moi, inconsciemment, c’est nécessaire de marquer le coup, pour me réconforter, pour me convaincre de… 

Pffff. J’enfonce des portes ouvertes. Et comme dit Christiane, ne faisons pas d’histoires parce que les mots ont une histoire. 


Cette putain de LOVE Story

Cette sempiternelle histoire d’amour…

 

Elle veut, il ne veut pas. Elle est prête, lui non.

Il veut des enfants, pas elle, puis finalement oui, puis non.

Ils s’aiment depuis toujours, d’ailleurs il l’aime plus qu’elle ne l’aime!
« -Non?! -Si!!! j’te jure, IL a rompu! pour une minette qui a cinq ans de moins que lui! » …

Ils sont ensemble depuis trois ans, il la trompe depuis le début, elle a rompu, mais il ne la lâche pas… et elle non plus. Elle l’aime, ils s’aiment, ils sont de nouveaux ensemble, ils ont un enfant.

Elle l’aime, il l’aime. Mais il est marié, il veut divorcer, mais sa femme lui fait du chantage, après tout il a un enfant avec elle, alors ça se comprend… Elle le comprend. Tu comprends?

Bien sûr qu’il l’aime! Il va quitter sa femme c’est sûr! D’ailleurs, ils ont eu un enfant ensemble. Oui c’est vrai qu’il en a eu un avec sa femme après, mais qu’importe, il est revenu, et ils ont eu un autre enfant… Il va la quitter c’est sûr…

Elle est malheureuse, sa vie est un enfer, mais elle reste, pour ses enfants.

Elle?! Elle ne veut pas se marier! C’est ridicule, ça ne veut rien dire, c’est une convenance, c’est de l’apparence, un code sociétal.

Oh! Il va lui faire payer! Il va lui pourrir la vie! Elle l’a trompé! Lui!
… tu crois que c’est facile?! De tout laisser tomber comme ça?! Non il ne l’aime plus, mais bon… il y a des sentiments… et puis vingt-cinq ans de vie commune, ça ne s’efface pas comme ça!

Mais ce n’est pas de sa faute! C’est cette femme, elle fait tout pour qu’il la voit! Lui, ce n’est qu’un homme que veux-tu qu’il fasse? Non mais tu as vu comme elle s’habille cette traînée?!

Non mais ce n’est pas de sa faute. Il savait bien que ce n’était pas le bon moment pour une demande de mariage. Avec tout ce qu’elle traverse, c’est normal qu’elle ne sache pas, il lui a trop mis la pression. Il se sent minable…

Non, mais c’est elle qui fait tout dans cette maison! Il ne fait jamais rien! Les enfants, le ménage, les impôts, les voyages, le bricolage! Tout! Elle fait TOUT! Elle n’en peut plus, elle le quitte!

Avec elle c’est toujours pareil. Ce n’est jamais le bon moment. Elle ne veut jamais de sexe! C’est de sa faute s’il la trompe!

Avant il n’était pas comme ça. Ca va lui passer, quel couple ne connaît pas de difficultés? Et puis son père le battait quand il était jeune, ce n’est pas de sa faute s’il reproduit ce schéma…

Il l’aime, elle l’aime, c’est comme une évidence. Ils sont faits l’un pour l’autre.

Elle voit bien qu’il pense à elle, elle le lit dans ses yeux. Mais qui sait? Peut-être qu’un jour il l’aimera, elle.

Ouiiiii! Mille fois oui!! Pour le meilleur et pour le pire!!

 

C’est tellement gros… et tellement… humain! Tellement commun, courant, éternel.

Tellement multiple, tellement divers, tellement varié… Tellement insensé.

Tellement émouvant, triste, prenant, tellement vivant!

Tellement effrayant, tellement normal.

Tellement… beau? Tellement… inévitable?

 

Cette sempiternelle histoire d’amour…

 

Fucking LOVE!

 


Chez moi c’est…

Chez moi c’est cette terre où…

 

Les plages au sable fin côtoient la végétation luxuriante des Terres de Montagne.

Plus de 25% de l’économie est détenue par un petit nombre.

A la moindre rumeur, mes compatriotes se ruent dans les magasins de grande distribution, dans les stations-services, par peur de manquer, ou pour bénéficier d’ultimes-bonnes-affaires-qui-ne-se-représenteront-pas, et qui, périodiquement, se présentent de nouveau.

Le « tchip » de la salariée lamda n’a d’égal que le « doudou » de la marchande.

L’indifférence de Madame qui vous accueille en office, n’a d’égale que la chaleur avec laquelle elle vous reçoit dans son « chez elle ».

Diverses générations se mêlent et s’entremêlent sur les rythmes du Bèlè, se perdent dans la fièvre du Carnaval et chaloupent pendant le Tour des Yoles.

Cette chaleur ambiante est dans tous les coeurs, dans l’envie de s’épanouir, dans cette aspiration au meilleur.

 

Chez moi c’est… la Martinique.

Et si ce n’est la meilleure destination au monde, c’est… chez moi.